đŸ‡«đŸ‡· 8 AVRIL 1944 LES FUSILLÉS DE LA SENTINELLE

LES FUSILLÉS DE LA SENTINELLE / Aisne Terre de MĂ©moire
LES FUSILLÉS DE LA SENTINELLE / Aisne Terre de MĂ©moire
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En mémoire des résistants

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Dans le cadre du programme « Aisne, terre de mĂ©moire » la traditionnelle cĂ©rĂ©monie au Monument de la Sentinelle de Saint-Quentin a Ă©tĂ© l’occasion de dĂ©voiler une nouvelle borne mĂ©morielle en hommage aux 27 rĂ©sistants condamnĂ©s Ă  mort par la Feldkommandantur de Saint-Quentin et exĂ©cutĂ©s Ă  cet emplacement le 8 avril 1944 pour « actes de franc-tireur, attentats et sabotages des voies ferrĂ©es ».

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Le programme « Aisne, terre de mĂ©moire » prĂ©voit jusqu’en 2027 le dĂ©ploiement de 110 bornes sur l’ensemble du territoire afin de faire perdurer la mĂ©moire des hommes qui s’y sont battus lors de quatre grands conflits : la campagne de France napolĂ©onienne de 1814, la Guerre franco-allemande de 1870-1871, la Grande Guerre de 1914-1918 et la Seconde Guerre mondiale de 1939-1945.

8 AVRIL 1944 LES FUSILLÉS DE LA SENTINELLE

Au dĂ©but de l’annĂ©e 1944, la rĂ©pression contre les actes de rĂ©sistance qualifiĂ©s de « terroristes Â» par les autoritĂ©s d’occupation allemande se durcit toujours davantage.

À la suite de l’assassinat d’Emile Delhaye, maire collaborateur de Saint-Quentin, le 31 mars 1944, et pour envoyer un message politique fort Ă  la population, les autoritĂ©s d’occupation allemande dĂ©cident en reprĂ©sailles de faire condamner Ă  mort 30 rĂ©sistants dĂ©tenus dans la prison de la ville depuis plusieurs mois.

Plaque sur l'immeuble de la banque JOURNEL, au 27 rue d'Isle Ă  Saint-Quentin

DES GROUPES DE RÉSISTANTS SUR LE BANC DES ACCUSÉS

C’est au 27 de la rue d’Isle, dans les locaux de la banque Journel, que le tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur 602 de Saint-Quentin s’est rassemblĂ© afin de juger ces hommes. Le 6 avril dans la matinĂ©e, 30 prisonniers sont amenĂ©s en camions, menottĂ©s et couverts de cagoules. Parmi eux, une grande partie du dĂ©tachement 23 « Gabriel PĂ©ri Â», groupe « Jean Catelas Â» des Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.) de Fresnoy-le-GrandCroix-Fonsommes et Etaves-et-Bocquiaux :

  • Lucien Brunelle, nĂ© le 5 aoĂ»t 1921 Ă  Fresnoy-le-Grand (Aisne), employĂ© SNCF Ă  Fresnoy-le-Grand.
  • Fernand ClĂ©ment, nĂ© le 4 fĂ©vrier 1920 Ă  Seboncourt (Aisne), employĂ© SNCF domiciliĂ© Ă  Étaves-et-Bocquiaux (Aisne).
  • AndrĂ© Dauriol, nĂ© le 11 janvier 1924 Ă  Wassigny (Aisne), employĂ© SNCF domiciliĂ© Ă  Fresnoy-le-Grand.
  • Maurice Isart, nĂ© le 20 septembre 1896 Ă  Lens (Pas-de-Calais), ancien combattant de 14-18 amputĂ© du bras droit, garde-barriĂšre Ă  la SNCF de Fresnoy-le-Grand.
  • Louis Lesur, nĂ© le 9 octobre 1894 Ă  HombliĂšres (Aisne), cantonnier auxiliaire Ă  la SNCF de Fresnoy-le-Grand (Aisne).
  • Marcel MarĂ©chal, nĂ© le 18 octobre 1913 Ă  Jussy (Aisne), facteur Ă  la SNCF de Fresnoy-le-Grand (Aisne).
  • Fernand Monot, nĂ© le 22 octobre 1921 Ă  Étaves-et-Bocquiaux (Aisne), garde-voie Ă  la SNCF domiciliĂ© Ă  Étaves-et-Bocquiaux.
  • LĂ©on Roussel, nĂ© le 8 janvier 1921 Ă  Guise (Aisne), employĂ© SNCF Ă  Fresnoy-le-Grand.
  • Paul Verschoore, nĂ© le 7 juillet 1917 Ă  Saint-Julien-Beychevelle (Gironde), garde-voie Ă  la SNCF de Fresnoy-le-Grand (Aisne).
 Les membres du groupe Jean Catelas de Fresnoy le Grand

Actif Ă  partir d’aoĂ»t 1943, ce groupe Ă©tait le bras armĂ© du rĂ©seau Musician-Tell du Special Operations Executive (S.O.E.) dirigĂ© par le commandant Gustave BiĂ©ler, alias « Guy Â», rĂ©ceptionnant des parachutages d’armes et effectuant principalement des sabotages sur la voie ferrĂ©e entre Fresnoy-le-Grand et Saint-Quentin. Ainsi, en septembre-octobre 1944, le groupe fait dĂ©railler plusieurs convois de munitions et de matĂ©riels allemands, dont le plus important concerne le transfert d’une escadre aĂ©rienne de la Luftwaffe depuis la Hollande vers l’Italie. Le dĂ©raillement causera la mort de 62 soldats allemands et une centaine de blessĂ©s. Le 1er janvier 1944, ce sont vingt-neuf wagons de matĂ©riel qui dĂ©raillent lorsqu’un convoi de charbon et un train de minerai entrent en collision, ce qui achĂšve d’alerter les autoritĂ©s allemandes sur la menace que fait peser ce groupe de rĂ©sistants. Au total le groupe participera Ă  sept dĂ©raillements rĂ©ussis et ainsi qu’Ă  quelques sabotages d’écluses sur le canal de Saint-Quentin. Mais le 13 janvier 1944, le filet de la rĂ©pression nazie se resserre quand le commandant Guy est arrĂȘtĂ© au cafĂ© du Moulin BrĂ»lĂ© Ă  Omissy. Quelques jours plus tard, le 26 janvier, la plupart des membres du groupe sont arrĂȘtĂ©s au cours d’une rafle de la Sipo-SD de Saint-Quentin Ă  Fonsomme, Fresnoy-le-Grand et Etaves-et-Bocquiaux. A leurs cĂŽtĂ©s se trouve aussi Roger Vanbleuy, nĂ© le 20 mars 1922 Ă  Bray-Dunes (Nord), ouvrier mĂ©tallurgiste Ă  Dunkerque (Nord) membre du parti communiste clandestin, qui avait Ă©tĂ© chargĂ© par l’état-major interdĂ©partemental de la rĂ©cupĂ©ration d’armes et du sabotage dans le secteur de Busigny (Nord), Bohain-en-Vermandois, Fresnoy-le-Grand et Vaux-Andigny, et qui avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 28 janvier 1944.

NumĂ©riquement, le groupe de rĂ©sistants « LibertĂ© Â» de NeufchĂątel-sur-Aisne est ensuite le plus reprĂ©sentĂ© parmi les accusĂ©s avec :

  • RenĂ© BĂ©gard, nĂ© le 16 mars 1919 Ă  Vitry-le-François (Marne). SecrĂ©taire de mairie Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne).
  • Paul Gillant, nĂ© le 10 mars 1910 Ă  Fleury-sur-Aire (Meuse). Boulanger Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne).
  • Henri Charpentier, nĂ© le 26 juin 1924 Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne). Quincaillier Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne.
  • RenĂ© Differdange, nĂ© le 21 aoĂ»t 1912 Ă  Brienne-sur-Aisne (Ardennes), ouvrier agricole Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne).
  • Robert Dussart, nĂ© le 11 mars 1913 Ă  BĂ©zu-Saint-Germain (Aisne) et domiciliĂ© Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne).
  • RenĂ© Guibal, nĂ© le 16 juin 1915 Ă  Paris (20e arr.), manouvrier Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne).
  • Charles Liverneaux, nĂ© le 16 aoĂ»t 1914 Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne), manouvrier Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne.
  • Virgile Muteau, nĂ© le 17 aoĂ»t 1921 Ă  Écly (Ardennes), ouvrier agricole Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne (Aisne).
Les résistants du groupe Liberté de Neuchùtel-sur-Aisne

Ce groupe, constituĂ© par Paul Gillant, faisait partie du rĂ©seau Ceux De La RĂ©sistance (C.D.L.R.) selon certaines sources, des F.T.P.F. selon d’autres, et Ă©tait particuliĂšrement actif Ă  la jonction de l’Aisne, des Ardennes et de la Marne Ă  partir d’aoĂ»t 1943, se spĂ©cialisant dans le sabotage des Ă©cluses sur le canal latĂ©ral Ă  l’Aisne. Profitant de sa fonction de secrĂ©taire de mairie, RenĂ© Begard fournissait aussi de faux papiers aux prisonniers Ă©vadĂ©s et aux rĂ©fractaires au Service du Travail Obligatoire, tandis qu’Albert et Henri Charpentier (pĂšre et fils) facilitaient leurs Ă©vasions, constituant des dĂ©pĂŽts d’armes jusque dans la cave de leur maison. RenĂ© Guibal, quant Ă  lui, rĂ©fractaire au STO, aurait participĂ© Ă  des sabotages de voies ferrĂ©es tandis que Charles Liverneaux avait participĂ© Ă  plusieurs transports d’armes et sabotages, dont l’arrĂȘt de la circulation fluviale sur le canal latĂ©ral Ă  l’Aisne et la destruction des cuves d’alcool de la sucrerie de Guignicourt. TraquĂ©s par la Sipo-SD et la Feldgendarmerie de Saint-Quentin, la sĂ»retĂ© du groupe est compromise le 19 fĂ©vrier 1944 avec l’arrestation de Paul Gillant. La suspicion fut depuis jetĂ©e sur lui mais rien ne permet encore Ă  ce jour de savoir s’il rĂ©vĂ©la les noms de ses camarades lors de son interrogatoire. Le fait est que cinq jours plus tard, le 24 fĂ©vrier, les autres membres du groupe Ă©taient arrĂȘtĂ©s au cours d’une rafle Ă  NeufchĂątel-sur-Aisne.

Viennent ensuite les membres du groupe F.T.P.F. appartenant au dĂ©tachement « La Corse 22 Â» de Busigny (Nord), parmi lesquels on trouve les noms de :

  • Edmond Desjardin, nĂ© le 17 novembre 1922 Ă  Busigny (Nord), aide-fossoyeur Ă  Busigny.
  • Lucien Desjardin, nĂ© le 25 dĂ©cembre 1920 Ă  Busigny (Nord), fossoyeur Ă  Busigny.
  • Pierre GaliĂ©gue, nĂ© le 20 novembre 1923 Ă  Tergnier (Aisne), chauffeur automobile Ă  Busigny (Nord).
  • Adolphe Huge, nĂ© le 15 dĂ©cembre 1911 Ă  Fourmies (Nord), graisseur Ă  Fourmies.
  • AndrĂ© Wannin, nĂ© le 5 avril 1914 Ă  Fourmies (Nord), installateur de chauffage Ă  Fourmies.
Les résistants du groupe de Busigny
REGHEM Albert

Ce groupe avait Ă©tĂ© fondĂ© par les frĂšres Desjardin et comprenait une majoritĂ© d’agents SNCF. Par leur situation, ils Ă©taient bien placĂ©s pour pratiquer certains sabotages, comme l’incendie de sept wagons de paille dans la gare de Busigny, le sabotage des voies et de locomotives ainsi que diverses actions dans le nord de l’Aisne et dans les environs de Busigny, Bohain-en-Vermandois et Fourmies (rĂ©ception de parachutages, transports d’armes, rĂ©cupĂ©ration de tickets de ravitaillement). Les 4 et 5 fĂ©vrier 1944, la Sipo-SD de Saint-Quentin dĂ©mantĂšle le groupe, dont seul un membre est dĂ©portĂ© (Edmond Degond, au camp de BrĂȘme-Farge, dont il reviendra).

On compte Ă©galement plusieurs membres du groupe F.T.P.F. « Stalingrad Â» de Beautor, qui avaient eux aussi participĂ© Ă  de nombreuses actions contre les troupes d’occupation : sabotages de voies ferrĂ©es, attaques de mairie afin de rĂ©cupĂ©rer des tickets d’alimentation, attentats contre des collaborateurs. Leur chef de groupe, Jean-Marie Collin, nĂ© le 20 juin 1920 Ă  Inzinzac (Morbihan) chaudronnier Ă  Tergnier, avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 28 janvier 1944 lors d’une rĂ©union clandestine aux cĂŽtĂ©s de Maurice Deffromont (nĂ© le 4 mai 1924 Ă  Fargniers Aisne), dĂ©chargeur Ă  la SNCF, et son frĂšre Jean (qui sera dĂ©portĂ© Ă  Dachau). A leurs cĂŽtĂ©s on retrouve Ă©galement Maurice Back, nĂ© le 19 mai 1926 Ă  Mohon (Ardennes). Ce dernier, manƓuvre domiciliĂ© Ă  MĂ©ziĂšres (Ardennes), avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 31 janvier 1944 Ă  Tergnier au cours d’une opĂ©ration menĂ©e par la 21e brigade de police judiciaire de Saint-Quentin et la Sipo-SD de Saint-Quentin.

En dehors de ces hommes appartenant à des groupes de résistants identifiés, on compte également plusieurs autres résistants parmi les accusés :

  • Victor Audin, nĂ© le 9 octobre 1909 Ă  Saint-Saulve (Nord), employĂ© aux Ateliers SNCF Ă  Laon, arrĂȘtĂ© le 2 fĂ©vrier 1944.
  • Albert Reghem nĂ© le 28 mai 1910 Ă  TrĂ©lon (Nord), cheminot et secrĂ©taire de la CGT clandestine Ă  Hirson (Aisne), arrĂȘtĂ© le 21 fĂ©vrier 1944 avec son Ă©pouse Ă  leur domicile (une arme avait Ă©tĂ© dĂ©couverte chez eux et il semble avoir Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©).
  • Camille Grisot, nĂ© le 8 janvier 1912 Ă  Hirson (Aisne), cheminot Ă  Hirson et rĂ©sistant FTPF aux cĂŽtĂ©s d’Albert Reghem, arrĂȘtĂ© le 22 fĂ©vrier 1944.
  • Lucien Sauvez, nĂ© le 28 aoĂ»t 1917 Ă  Besmont (Aisne), garde-champĂȘtre Ă  Iviers (Aisne) et membre du groupe OCM d’Aubenton/Signy-l’Abbaye, arrĂȘtĂ© le 8 ou le 9 mars 1944 par la Sipo-SD de Saint-Quentin aprĂšs une vaste opĂ©ration d’infiltration de son rĂ©seau.

LE JUGEMENT ET L’ATTENTE

Le procĂšs qui dĂ©bute alors n’est qu’une parodie de justice. Certaines sources avancent que les cercueils avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© commandĂ©s. Le dĂ©tail du procĂšs n’est Ă  ce jour pas encore connu, si ce n’est le verdict : les 30 accusĂ©s sont condamnĂ©s Ă  mort pour « actes de franc-tireur, attentats et sabotages de voies ferrĂ©es Â» aprĂšs deux jours d’audiences. ImmĂ©diatement ramenĂ©s Ă  l’« HĂŽtel des 4 boules Â», les condamnĂ©s n’ont alors que quelques heures devant eux. Certains Ă©crivent quelques mots Ă  la hĂąte sur des morceaux de papier cachĂ©s dans les plis de leurs pantalons ou de leurs chemises, avant de jeter leur linge Ă  leurs gardiens pour qu’il soit remis Ă  leur famille. Quelques heures avant l’exĂ©cution, un prĂȘtre passe parmi eux pour les confesser et on les autorise ensuite Ă  Ă©crire une derniĂšre lettre Ă  leur famille, mais celles-ci feront l’objet d’un passage entre les mains de la censure et toute mention des mots « France Â» ou « Patrie Â» y sera retirĂ©e. Ainsi Fernand Monot, du groupe « Jean Catelas Â» de Fresnoy-le-Grand, laissera une lettre Ă  sa famille :

« Saint-Quentin, le 8 avril 1944
TrĂšs chers parents frĂšres et sƓurs, ainsi que ma tendre fiancĂ©e et toute ma famille,
Il est 5 heures du matin suite à notre jugement de jeudi nous venons d’apprendre la triste nouvelle que j’ai encore le courage de vous apprendre.
Nous allons passer devant le peloton d’exĂ©cution dans 2 heures. Mon cher pĂšre et ma chĂšre mĂšre je sais que je vais vous faire de la peine, mais voyez-vous ; pardonnez-moi de vous avoir fait tant de peine.
Maintenant, je vais mourir courageusement.
Maintenant, je vais laisser aussi ma petite chĂ©rie qui va souffrir aussi, mais voyez-vous je compte sur vous pour que vous lui fassiez comprendre qu’elle est encore jeune et qu’elle peut se refaire sa vie. Surtout il faudra qu’elle m’oublie et qu’elle se refasse une situation. Le curĂ© vient de passer dans la cellule oĂč il m’a confessĂ© et m’a communiĂ© car j’ai voulu mourir sans aller contraire Ă  vos pensĂ©es.
Oui je vais mourir avec courage, le plus qui me fait de mal au cƓur c’est que je vais vous faire de la peine à tous, mais voyez-vous je pense que vous surmonterez tout.
Mon cher pĂšre, ma chĂšre mĂšre, mon frĂšre, mes sƓurs, ma chĂšre fiancĂ©e, ainsi que toute ma famille, et tous ceux qui peuvent parler de moi je vais vous quitter aujourd’hui mĂȘme et pour toujours en vous envoyant pour la derniĂšre fois tous mes meilleurs baisers.
Fernand.
 Â»

De son cĂŽtĂ©, Henri Charpentier, du groupe « LibertĂ© Â» de NeufchĂątel-sur-Aisne, laissera dans l’ourlet d’une de ses manches de chemise le mot suivant :

« Ma chĂšre Maman, frĂšres et sƓurs,
C’est le dernier mot que je vous envoie ; nous avons passĂ© devant le tribunal ce matin : Gillant, BĂ©gard, Dussart, Guibald, Virgile [Muteau], Differdange, Liverneau. Soyez courageux et tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
Voici le verdict : le tribunal prononce pour chacun de nous la peine de mort.
J’ai Ă©tĂ© trĂšs courageux. Vous pouvez ĂȘtre fiers de moi. Je n’ai pas peur de mourir. Nous avons demandĂ© le recours en grĂące. Maintenant il n’y a plus qu’à attendre. On ne sera peut-ĂȘtre pas fusillĂ©.
Prévenez Pol, je suis en cellule avec Bégard, il y a un mot pour sa femme.
Surtout que Maman soit courageuse ; qu’elle pense aux deux petits et qu’elle soit fiĂšre d’avoir un fils qui va peut-ĂȘtre mourir pour la France.
Je n’ai fait que mon devoir, je ne regrette rien. J’ai bien pensĂ© Ă  vous ces jours derniers, ainsi qu’à Papa. Savez-vous oĂč il se trouve ?
Vous embrasserez bien Pol et Denise pour moi, ainsi que toute la famille. Je revois encore les bons moments que nous avons passĂ© ensemble. J’ai bien fait d’en profiter, enfin tout n’est peut-ĂȘtre pas perdu et courage.
Je te quitte ma chĂšre Maman en t’embrassant bien tendrement et pardonne-moi les fautes que j’ai commises, car si j’avais su, j’aurais Ă©tĂ© plus gentil avec toi, et vous, mes chĂšres sƓurs, je vous embrasse pour la derniĂšre fois et promettez moi d’ĂȘtre gentilles avec Maman. Embrassez bien surtout mes deux petits frĂšres que j’aime tant.
Adieu chers tous, Courage !
Henri
 Â».

L’EXÉCUTION

L'affiche rouge de Saint-Quentin

Quelques heures plus tard, alors que le jour n’est pas encore levĂ© ce samedi 8 avril 1944, les condamnĂ©s sont emmenĂ©s Ă  bord d’un camion et prennent les boulevards jusqu’à la route de Cambrai. ArrivĂ©s au champ de tir de La Sentinelle, ils sont descendus devant les talus, tandis qu’un second camion chargĂ© de vingt-sept cercueils pĂ©nĂštre Ă  son tour sur le site. Pour une raison inconnue, trois des condamnĂ©s – AndrĂ© Dauriol, Maurice Isart et LĂ©on Roussel – ont Ă©tĂ© graciĂ©s et ne seront pas exĂ©cutĂ©s. RejugĂ©s quelques jours plus tard Ă  Laon, ils seront Ă  nouveau condamnĂ©s et fusillĂ©s au stand de tir des Blancs-Monts, le 22 avril 1944. Un bandeau est alors proposĂ© aux 27 rĂ©sistants condamnĂ©s Ă  mort (le mĂȘme nombre qu’à ChĂąteaubriant le 22 octobre 1941). D’aprĂšs le rĂ©cit paru dans la presse en 1944 de Pol Charpentier, frĂšre de l’un des fusillĂ©s, il semble que la plupart des condamnĂ©s aient refusĂ© d’en porter un. Puis les exĂ©cutions eurent lieu, quelques condamnĂ©s se voyant achevĂ©s d’une balle de revolver avant d’ĂȘtre tous placĂ©s dans les cercueils. EmmenĂ©s au cimetiĂšre du Nord, ils furent placĂ©s dans une fosse tandis que l’abbĂ© Briodin, curĂ© de Remicourt, rĂ©citait une derniĂšre priĂšre pour eux. Dans la journĂ©e, une affiche rouge Ă©tait placardĂ©e sur les murs de Saint-Quentin, comme une mise en garde Ă  la population et une tentative de dĂ©nonciation des « crimes Â» commis par ces rĂ©sistants :

« AVIS IMPORTANT
Les 6 et 7 avril 1944, le Tribunal allemand compĂ©tent a condamnĂ© Ă  mort une bande de terroristes pour avoir perpĂ©trĂ© des attentats dans les dĂ©partements de l’Aisne et du Nord, depuis l’étĂ© 1943 jusqu’au mois de fĂ©vrier 1944. Ces terroristes ont non seulement commis des actes de sabotage sur les voies ferrĂ©es, les locomotives de chemin de fer et le Canal de l’Aisne, ils ont aussi attaquĂ© Ă  main armĂ©e les mairies et les fermes de la rĂ©gion.
Ce sont des armes et des explosifs lĂąchĂ©s par des avions anglo-amĂ©ricains qu’ils ont ramassĂ©s et qui leur ont servi Ă  exĂ©cuter leurs attentats, par suite desquels nombre de personnes pour la plupart de nationalitĂ© française ont Ă©tĂ© tuĂ©es ou blessĂ©es. De plus, le secteur Ă©conomique, c’est-Ă -dire notamment la population française du pays, a essuyĂ© des pertes dĂ©plorables.
Les arrĂȘts de mort prĂ©citĂ©s ont Ă©tĂ© mis Ă  exĂ©cution.
Il y a lieu, Ă  cette occasion, de rappeler encore une fois Ă  la population civile les graves consĂ©quences auxquelles s’expose quiconque participe Ă  de pareils actes de terrorisme ou bien nĂ©glige d’avertir les autoritĂ©s aussitĂŽt qu’il a connaissance d’un attentat, soit effectuĂ©, soit projetĂ©.
Der Feldkommandant. 
»


LA MÉMOIRE DES FUSILLÉS

D’aprĂšs le rĂ©cit de Pol Charpentier paru dans l’Aisne Nouvelle Ă  la fin de l’annĂ©e 1944, des milliers de personnes dĂ©filĂšrent devant la fosse recouverte d’un tertre de terre dans les jours qui suivirent, pour y dĂ©poser des fleurs. Craignant que ces hommages se muent en manifestation patriotique, il fut ordonnĂ© la fermeture du cimetiĂšre jusqu’au mardi 11 avril. Au mois de mai 1944, les autoritĂ©s allemandes autorisĂšrent cependant les familles Ă  exhumer les corps de leurs proches et Ă  les ramener dans leurs communes. AprĂšs la guerre, un monument fut Ă©rigĂ© Ă  l’entrĂ©e du champ de tir de La Sentinelle et chaque annĂ©e, une cĂ©rĂ©monie du souvenir a lieu Ă  la date du 8 avril, pour perpĂ©tuer leur souvenir et honorer leur mĂ©moire.

Cette borne du rĂ©seau dĂ©partemental Aisne Terre de MĂ©moire a elle-mĂȘme Ă©tĂ© inaugurĂ©e le 8 avril 2024, jour du 80e anniversaire de l’exĂ©cution de 27 rĂ©sistants au champ de tir de La Sentinelle.

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https://www.aisne.com/le…/8-avril-1944-les-fusilles-de-la

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